SEYDINA BALDé : « MULTIPLIER LES COPRODUCTIONS PANAFRICAINES AVEC DES COLLABORATIONS EUROPéENNES »

Après un long exil en Asie, Gabriel Aliou Thiam, brillant architecte devenu spécialiste des arts martiaux, rentre à Dakar pour l'enterrement de son père, décédé brutalement. Convaincu qu'il ne s'agit pas d'un accident, il va mener une enquête dangereuse et se retrouver confronté à une organisation criminelle. Cette fiction évoque les thématiques de la quête de justice, mais aussi l'optimisme dans l'avenir du continent. Un optimisme basé sur les possibilités de réussites, réelles et multiples, au Sénégal et en Afrique.

Initiateur de cette série, Seydina Baldé endosse les casquettes de coproducteur, scénariste et acteur principal. En raccrochant son kimono, cet ancien champion de karaté est entré dans le monde du cinéma et de la télévision comme cascadeur et acteur. Il a aussi produit un long-métrage d'action tourné à Hongkong qu'il a vendu à Lionsgate. Grâce à cette expérience, à 46 ans, il a convaincu Keewu Production (Mediawan Africa), Canal+ et Mediawan Right de le suivre pour coproduire et diffuser Lex Africana. Entretien.

Le Point Afrique : C'est la première fois que vous écrivez et produisez une série. Comment vous est venue cette idée de faire une série d'action à Dakar ?

Seydina Baldé : Le Sénégal est le pays africain que je connais le mieux. Je me suis rendu compte que ce pays avait tout pour accueillir des projets cinématographiques de qualité. Il y a huit ans, de passage à Dakar, les couchers de soleil, la Corniche, l'océan, les couleurs des tenues vestimentaires, les autobus, la terre rouge, ce contraste entre modernité et tradition, m'ont inspiré : j'ai vu une ville très cinématographique. Dakar est une superstar, une ville actrice.

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Comment avez-vous fait de la capitale sénégalaise un personnage du scénario ?

Absolument, C'est l'actrice principale, avec de multiples facettes. J'ai voulu montrer un Dakar que l'on voit trop peu. Dakar, la nuit, au lever du jour, Dakar menaçant, haletant, et sortir au maximum de la carte postale.

De plus, j'ai eu la chance il y a quatre ans de jouer dans une série américaine, Zéro zéro zéro, dont un épisode a été tourné à Dakar. Je me suis aperçu à ce moment-là qu'en plus de la ville, il y avait des techniciens, des jeunes talents. Dès lors, j'ai lancé la machine de Lex Africana avec le coscénariste Manuel di Zio.

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Vous êtes parti sur un petit budget, pour être suivi par des producteurs. Est-ce que ça a eu des conséquences sur certains de vos choix ?

C'est un thriller d'action. Sans les séquences d'action, qui sont un peu la cerise sur le gâteau, la série se tient tout à fait. On parlerait de thriller ou polar. Pour limiter les coûts, j'ai opté pour des séquences d'action arts martiaux qui sont loin du coût des courses-poursuites, des explosions ou des fusillades. C'était aussi un argument de vente auprès de Canal et de Mediawan.

Les arts martiaux sont appréciés dans le monde entier et en particulier en Afrique, avec des millions de pratiquants de tous les arts martiaux : kung-fu, karaté, taekwondo, aïkido et j'en passe. L'idée était de revenir au cinéma d'action, que nous avons découvert il y a 20 ou 30 ans avec Jackie Chan et Jean-Claude Van Damme et de casser les clichés : ces séquences d'action filmées avec des caméras qui bougent beaucoup, des comédiens en caméra épaule, où l'on ne voit pas très bien ce qui se passe. Là, nous sommes beaucoup plus dans une action très chorégraphiée, avec des plans larges pour voir l'ampleur des mouvements et la technicité. C'était important pour moi. Et c'est pour cela que nous avons pris 90 % des pratiquants d'arts martiaux pour figurer comme cascadeurs. Ces pratiquants sénégalais faisaient pour la première fois des cascades sur un projet cinématographique. Ils ont été admirables et d'une capacité d'adaptation inouïe. Et je suis fier de dire que nous n'avons eu aucun blessé dans des conditions de tournage difficiles, très chaudes, des nuits entières !

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Après ces six épisodes, êtes-vous prêt pour partir sur une deuxième saison. Toujours à Dakar ? Et d'autres projets ?

Oh oui. L'idée est de partir sur une deuxième saison, voire une troisième. La saison 1 se termine sur une fin ouverte. Il y a tellement de mystères à percer dans Lex Africana  ! C'est un polar autour de personnages très forts avec des traumas du passé mais aussi une série avec beaucoup de ramifications, ce qui permet de donner du souffle pour d'autres saisons. Pour Lex Africana, Dakar c'est le point zéro, où tout démarre, mais nous avons pour vocation, et c'est le postulat de départ, de voyager. Le personnage de Gabriel Thiam que j'incarne va être emmené avec Lauren, docteur française travaillant pour une organisation humanitaire à voyager à travers l'Afrique. Cela va nous permettre de faire découvrir des contrastes, des différences, de donner du souffle à l'intrigue, d'introduire de nouveaux personnages et de faire aussi émerger de nouveaux talents africains. Cela fait partie de nos désirs.

J'ai également d'autres projets en Afrique, notamment deux longs-métrages et une autre série. L'Afrique a besoin de faire des longs-métrages, il y a pléthore de séries, notamment des novelas et des comédies, maintenant il est temps de faire des longs-métrages.

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Comment voyer vous l'avenir du cinéma africain et en particulier en Afrique francophone ?

Radieux ! Le meilleur est à venir. C'est un puits sans fond de talents, de jeunesse motivée. Ils ont vocation à rester en Afrique, pour faire émerger le cinéma africain. Ils ont accès depuis longtemps à Internet, aux réseaux sociaux, à toutes les plateformes. Ils sont connectés et s'imprègnent des cultures cinématographiques des différents continents et ils ont envie de faire la même chose chez eux à Abidjan, Dakar ou Cotonou, sans avoir à venir en France faire carrière. L'industrie locale en Côte d'Ivoire, au Sénégal mais aussi au Burkina Faso est très forte. Cela arrive au Bénin.

Il faut aussi multiplier les coproductions panafricaines avec des collaborations européennes. Nous avons fait une série européenne à la sauce africaine ou l'inverse, on peut le voir comme l'on veut mais c'est une vraie collaboration, enrichissante pour tous.

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La série sera-t-elle diffusée hors du continent ?

Des versions internationales sont en cours d'élaboration. Nous avons atteint notre objectif avec un gage de qualité suffisant, comparable aux séries diffusées. Le groupe Mediawan, qui participe au financement de la série, est tellement enthousiaste qu'il a décidé de poursuivre la distribution au-delà de l'Afrique. La série va voyager, c'est une très bonne nouvelle.

Coproduite par Canal+ et Keewu Production (Mediawan Africa), et réalisée par Lewis Martin, la première saison de Lex Africana (6 épisodes) est diffusée sur Canal+.

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