DE MADONNA à RIHANNA, LES NONNES DE LA POP CULTURE

Elles captivent autant qu’elles intriguent. Le caractère mystérieux qu’elles portent dans leur regard pousse à la curiosité. Qu’est-ce que ces religieuses, toujours très silencieuses, ont à crier ? Qu’ont-elles à cacher sous leur apparat noir et leur chevelure voilée ? À ces questions, dont quasi personne détient les réponses, la pop culture a tenté d’y donner du sens, en inventant tout un tas de scénarios et de mises en scène, peignant leur portrait en leur prêtant des histoires qui flirtent avec les limites les plus infranchissables.

Dernièrement, Rihanna s’est illustrée en nonne débridée, lèvres carmin laquées et décolleté prononcé en couverture du magazine Interview. Le cliché de la star a très vite fait parler, la Une du titre étant jugée comme «irrespectueuse» et «blasphématoire» par de nombreux internautes. C’est toujours le risque quand on met le pied du côté de la religion. Si certains y voient une manière de critiquer la religion institutionnelle ou d’exprimer une rébellion face aux normes dominantes, d’autres sont offensés et crient au blasphème.

Le mois dernier, l’actrice américaine Sydney Sweeney incarnait le rôle d’une sœur, secrètement enceinte, luttant pour sa vie dans un couvent italien dans le film de Michael Mohan, Immaculée, en salle depuis le 20 mars.

Ce n’est évidemment pas la première fois que la religieuse tombe dans les mains de la pop culture. Ces tenues vestales s’ajoutent seulement à une longue série d’interprétations subversives des industries de la vie (et des amours) des nonnes. La plus connue d’entre elles se nomme Madonna. Son prénom trouve ses origines dans la Bible. «Madonna», c’est la «vierge» en italien et l’autre nom donné à Marie de Nazaret, la mère de Jésus. Deux significations pour le moins bien inspirées quand on se souvient que la chanteuse a un temps hésité à revêtir la robe et qu’elle a porté à son paroxysme l’étymologie de son prénom dans son titre «Like a Virgin» en 1984. La religion pour blason, Madonna porte alors le crucifix en étendard dans ses clips. Après la parution du roman La Madone des sleepings de Maurice Dekobra, qui raconte les aventures de Lady Diana Wynham à la vie libre et scandaleuse en 1926, et son interprétation filmographique sortie en 1955, la Madone devient l’incarnation d’une «femme fatale et cosmopolite», dont Madonna a emprunté tous les codes.

Dans la mode, les sœurs sont depuis longtemps une source d’inspiration pour les créateurs. Lors de son passage chez Dior, John Galliano avait imaginé une collection dans laquelle on trouvait des guimpes pointues, rappelant la coiffe des nonnes. La silhouette classique de la religieuse a également été réinventée à maintes reprises par Schiaparelli, Marine Serre ou encore Emilia Wickstead. Plus récemment, Bella Hadid, sur le podium de Coperni pour l’automne-hiver 2022, avait défilé avec un couvre-chef sur la tête faisant écho à l’habit de la religieuse.

Le cinéma s’intéresse depuis longtemps à la vie des soeurs. En 1959, Audrey Hepburn faisait entrer la religieuse à Hollywood en incarnant une épouse cloîtrée du Christ dans le film L’histoire d'une nonne. Dans les années 1970, le septième art européen s’y penche à son tour en dessinant les contours sanglants de nonnes dépravées, incapables de tenir leurs engagements à Dieu en raison de leur trop gros appétit sexuel. À ce moment-là, un sous-genre voit même le jour, la «nonnesploitation», qui atteint son zénith notamment en Europe et au Japon. Intérieur d’un couvent (1978), On l’appelle Soeur Désir (1986) ou encore Flavia la défroquée (1974) font partie de ces films qui mêlent le sacré et le profane, où les plaisirs de la chair font face aux dogmes religieux. Les nonnes influencent également le cinéma d’horreur et s'offrent une place plus gaie dans la comédie musicale, comme dans Sister Act.

Si la religieuse fascine autant et qu’elle est aussi souvent réinterprétée à travers la pop-culture, c’est en partie grâce à la «transgression des attentes et des limites» dont le cinéma s'amuse, explique le Docteur Lynn S. Neal à CNN. «La juxtaposition de l’habitude de la religieuse avec une sexualité flagrante ou avec la culture de l’identité et du style personnel est choquante et attire l’attention des gens», a-t-elle ajouté. Les industries de la pop culture l’ont bien compris et en ont fait la recette efficace de leurs projets «sacrés».

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